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The War Game
© THE WAR GAME

Peter Watkins et « La bombe » : quand un faux documentaire terrifia l’Angleterre

Le 31 octobre 2025, Peter Watkins s’est éteint à 90 ans, dans la Creuse, loin des studios de télévision qui l’ont révélé… puis censuré. Ce cinéaste britannique, pionnier d’un cinéma hybride entre documentaire et fiction, est resté célèbre pour un film tourné en 1965 pour la BBC… mais interdit d’antenne.

Son titre ? “The War Game”, plus connu en France sous le nom de “La bombe”. Un choc visuel et politique, qui, dès sa sortie en salle, fit frémir le public… et le pouvoir.

1965 : un film censuré avant même d’être diffusé

Tourné pour la BBC, The War Game est pensé comme un documentaire d’anticipation. Peter Watkins imagine les conséquences d’une attaque nucléaire soviétique sur le Kent, au Royaume-Uni. Une fiction ? Oui. Mais présentée avec le réalisme et le ton neutre d’un reportage d’actualité.

Le film s’ouvre sur une simple question posée à des passants :

« Avez-vous entendu parler du carbone 14 ? »

Réponse : « Never heard of it. » Le ton est donné.

Le reste du film plonge le spectateur dans un enfer post-nucléaire : destructions massives, incendies, hôpitaux débordés, milices armées, émeutes de la faim, et chaos total. Watkins s’appuie sur des données scientifiques issues d’Hiroshima et Nagasaki pour renforcer l’effet de réel.

Trop choquant pour la télévision britannique

Lorsque Watkins livre son film à la BBC, la réaction est immédiate : refus de diffusion. Motif ? « Trop alarmiste », « trop réaliste », « politiquement sensible », surtout en pleine Guerre froide.

Mais la censure va se retourner contre ses auteurs. The War Game est projeté au cinéma en 1966 sous le titre La Bombe, notamment au Royaume-Uni, en Belgique et en France. Le film de 48 minutes, en noir et blanc, est perçu comme un uppercut visuel.

Une pluie de récompenses… et un Oscar

The Bomb obtient le prix spécial du jury à la Mostra de Venise (1966), le BAFTA du meilleur court-métrage et, suprême reconnaissance, l’Oscar du meilleur documentaire en 1967. Pourtant, le film reste banni des écrans britanniques pendant près de 20 ans.

Il faudra attendre le 31 juillet 1985 pour qu’il soit diffusé, pour la première fois, à la télévision au Royaume-Uni. Un demi-siècle plus tard, cette œuvre est considérée comme un précurseur du docu-fiction engagé, inspirant des réalisateurs comme Ken Loach, Michael Moore ou Adam Curtis.

Un artiste radical, exilé volontaire

Après ce coup d’éclat, Watkins quitte la BBC et entame une carrière en France, en Suède, en Norvège… Il signe des œuvres aussi puissantes que Punishment Park (1971) ou La Commune (Paris, 1871), toujours entre expérimentation et dénonciation.

Il terminera sa vie dans la Creuse, dans un silence volontaire, fuyant les médias qu’il n’a jamais cessé de critiquer. Jusqu’à sa mort, le 31 octobre 2025, il restait l’un des grands oubliés du cinéma politique européen.

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